L'embellie aura été de courte durée. Après trois années de quasi-état de grâce, l’industrie française marque le pas et renoue avec ses vieux démons. Entre les mois d’avril et d’août, l’Hexagone a enregistré 47 annonces de fermeture de site contre 37 ouvertures, selon les derniers chiffres du cabinet Trendeo. En clair : la France recommence à perdre des usines. Il est sans doute encore trop tôt pour dire si ces mauvais résultats sont le prélude à un repli durable. Ils témoignent en tout cas de la fragilité d’un mouvement de reconquête qui aura surtout permis d’endiguer quarante ans d’hémorragie industrielle. Car si le retour des usines sur le territoire est bien réel, la part de l’industrie manufacturière dans le PIB continue de stagner autour des 10 %, très loin encore de l’objectif gouvernemental de 15% à l’horizon 2035. L'élan engagé à la sortie de la pandémie s'est en réalité rapidement essoufflé sous l'effet de nombreux vents contraires : flambée des prix de l'énergie, faible mobilisation du capital privé, concurrence exacerbée des industries chinoises et américaines, sans oublier les obstacles récurrents liés à l'accès au foncier et à une main-d'œuvre qualifiée. Dans ce contexte, le volontarisme politique a jusqu'à présent joué un rôle clé pour rassurer les investisseurs et redorer l'attractivité du pays. Autant dire que l'instabilité gouvernementale de ces derniers mois risque, à l'inverse, d'entraîner un effet repoussoir durable.

« Symbole du renouveau manufacturier, les gigafactories de batteries ont vu leur cote descendre en flèche ces derniers mois. »

Enfin, il y a peu de chances pour que le secteur échappe à la diète budgétaire. Pour l'heure, le crédit d'impôt recherche est passé entre les mailles du filet. Mais d'autres arbitrages restent à venir au moment où l'enthousiasme pour les grands chantiers industriels est clairement retombé. Symbole du renouveau manufacturier, les gigafactories de batteries ont ainsi vu leur cote descendre en flèche ces derniers mois, avec une cascade d'annulations de projets et des perspectives de croissance en baisse.

Le reflux enregistré au premier semestre doit donc a minima être entendu comme un sérieux avertissement. Il incite plus que jamais à interroger une politique industrielle encore largement tournée vers les grands groupes et la création de champions nationaux. De plus en plus de voix se font aujourd'hui entendre pour réclamer un rééquilibrage des efforts en direction des PME et des territoires. C'est une stratégie moins spectaculaire que la création de nouvelles filières industrielles. Mais c'est aussi un pari plus réaliste à l'heure où le pays doit se serrer la ceinture. Et bonne nouvelle, il n'est pas forcément moins ambitieux ! Selon Bpifrance, 70 % du potentiel de réindustrialisation existe d'ores et déjà au sein du tissu productif existant.