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CHAÎNE DE FILTRATION

Filtration de l'air en salle propre

Par DANIEL BERTIN, administrateur de l'Aspec | 1 décembre 2012 | Salles Propres n° 0083

Pour garantir une filtration efficace d'une salle propre, il est nécessaire de commencer par connaître la teneur de l'air en nombre de particules pour choisir la classe de filtres la plus adaptée à la zone ; sans oublier l'aspect recyclage.

 

Une des conditions du bon fonctionnement d'une salle propre est la teneur de l'air en nombre de particules. Les filtres sont les outils indispensables pour résoudre ce problème. De nombreuses études donnent des indications sur la composition de l'air extérieur. Entre l'air de l'antarctique qui affiche 5 000 particules par litre et celui de l'environnement d'un fumeur qui comprend environ 100 milliards de particules par litre, il y a toutes sortes de qualité d'air. L'aérosol atmosphérique est d'origine naturel et anthropogène. Les sources naturelles sont principalement les océans, les volcans et les feux de brousse. Les contaminations d'origine anthropogène sont très variées, l'être humain à lui seul peut produire quelques 1 000 000 de particules > 0,3 µm par minute au repos. On comprendra aisément que la concentration en particules de l'air est un élément important pour dimensionner les filtres de premier rang.

Un deuxième élément d'importance est le travail fait par M. Whitby aux États-Unis, qui a permis de mettre en évidence que 99,9 % de l'aérosol atmosphérique est inférieur à 1 µm. Ces données nous permettent de choisir les filtres de centrales pour protéger les filtres finisseurs. À titre d'exemple, l'air d'une salle propre classe ISO 5 ne devra pas avoir plus de 3 520 particules supérieures ou égales à 0,5 µm par m3.

Un autre aspect d'importance pour la définition d'une chaîne de filtration est la maîtrise de la pollution interne, donc du recyclage.

 

Les outils

Le filtre est un appareil qui va capter les particules contenues dans le flux d'air qui le traverse. Le rendement de cette opération est défini comme le rapport entre ce qui est capté et ce qui se présente au filtre. Ainsi un filtre de rendement R = 0,75 retient les trois quarts des poussières qui se présentent. On utilise pratiquement l'efficacité qui est la valeur numérique du rendement ramenée en pourcentage. Le filtre précédent a une efficacité E = 75 %. Exprimée en pourcentage, la pénétration également employée, est 100-efficacité. Ainsi pour le filtre ci-dessus la pénétration est 100 - 75 = 25 %.

Ce sont les filtres à base de média qui sont les plus utilisés dans le domaine de la salle propre. Ils sont divisés en deux catégories : les filtres de ventilation et ceux à haute efficacité.

Les filtres de ventilation sont régis par la norme NF EN 779. Ils sont utilisés comme épurateurs de l'air dans les CTA, en gaine et en reprise et comme protection des filtres de procédé. Ils ne doivent pas être utilisés comme finisseur. Ils comportent eux-mêmes trois catégories : les filtres « grossiers », les « moyens » et les « fins ».

Les efficacités, des filtres dits « moyen » et « fin », sont mesurées à l'aide d'un aérosol de diamètre 0,4 µm, et pour les médias synthétiques la charge électrique doit être évaluée. Les tests pour les filtres « moyen », « fin » et « grossier » sont destructifs. Ils évaluent l'efficacité moyenne du filtre. Les filtres à air à haute efficacité sont définis par la norme NF EN 1822 et servent à assurer le niveau de propreté nécessaire à un process. Avec cette norme les fabricants ont un référentiel commun : la MPPS (most penetrating particule size) qui établit l'efficacité la plus faible du filtre. Depuis janvier 2010, elle définit trois groupes de filtres :

- Groupe E : filtres EPA (filtres à haute efficacité).

- Groupe H : filtres HEPA (filtres à très haute efficacité).

- Groupe U : filtres ULPA (filtres à très faible pénétration).

Les filtres EPA peuvent se trouver en CTA ou en gaine comme ultime protection des finisseurs HEPA ou ULPA qui assurent la propreté finale de la salle. La protection des filtres finisseurs est fondamentale pour leurs durées de vie. Elle doit être parfaitement maîtrisée pour prévoir leur remplacement, qui est toujours une opération délicate dans ce contexte. Il est important d'espacer au maximum ces changements et dans certains cas ne plus avoir à le faire durant toute la vie de l'installation. C'est le cas de nombreuses salles de microélectronique.

 

Calcul de l'empoussièrement : loi des perméances

Il ne s'agit plus de décontaminer l'air extérieur pour obtenir une qualité d'air légèrement supérieure à celle de l'air extérieur, il faut obtenir un air ayant des caractéristiques bien précises notamment en nombre de particules. Chacun des filtres de la chaîne de filtration doit avoir son rôle, il faut choisir le filtre finisseur en premier pour pouvoir décider des autres étages. Pour ce faire, il est indispensable d'avoir une idée même approximative de la quantité de particules que nous allons avoir en aval d'une série de filtres afin de se situer dans la norme EN 14644-1. On utilise alors la perméance P qui est le rapport entre la quantité qui traverse le filtre et celle qui se présente. On a donc P =1 - R =1 - (E/100). En termes de nombre de particules on aura P=N/n avec N le nombre de particules qui se présentent et n nombre de particules qui passent à travers le filtre. Considérons une chaîne de filtration composée de trois étages de filtration en série d'efficacités respectives E1, E2, E3 pour une taille donnée de particules. Les perméances correspondantes sont P1= 1 - (E1 / 100) P2 = 1 - (E2 / 100) P3 = 1 - (E3 / 100). Soit N le « nombre initial » de particules dans l'air qui se présente. À la sortie du premier filtre, il reste n1 particules données par P1 = n1/N. Au deuxième filtre il se présente n1 particules et il en ressort n2 tel que P2 = n2 / n1. De même P3 = n3 / n2. La perméance globale Pg de la chaîne est Pg = n3 / N. Si on a sa valeur, elle permet de calculer ce qui sort quand on connaît ce qui se présente.

La perméance globale d'une chaîne de filtration s'obtient en faisant le produit des perméances de chacun des filtres qui la composent.

Dans le cadre de la classification ISO, on doit obtenir des concentrations finales en fonction de la taille particulaire. On peut faire des calculs « pessimistes » en prenant les perméances pour la MPPS. On peut être plus précis si on connaît les efficacités des filtres en fonction de la taille particulaire. Le tableau d'efficacité particulaire des filtres donne des valeurs (données à titre indicatif) qui peuvent servir pour ce type de calcul.

En prenant comme hypothèse que nous avons affaire à un aérosol monodispersé. Une façon simple de calculer est de multiplier les perméances des différents filtres par exemple. Prenons deux filtres ayant les efficacités suivantes vis-à-vis des particules de 0,5 µm :

- un F7 = 70 % la perméance sera de 1- 0,7 = 0,3.

- un H10 = 98 % la perméance sera de 1- 0,98 = 0,02.

 

Si nous avons un air contenant 100.106 particules de 0,5 µm, nous aurons à l'aval de cette chaîne de filtration approximativement : 100.106 × (0,3 × 0,02) = 600 000 part de 0,5 µm. Le calcul de la salle propre devra tenir compte d'autres paramètres tels que la concentration émise dans la salle par le procédé, par les hommes et le taux d'air recyclé. Cette loi des perméances ne peut s'appliquer que sur une chaîne de filtration utilisant les filtres en fonction de leurs « compétences » (exemple : ne pas utiliser un filtre de ventilation comme finisseur...).

 

Les chaînes de filtration

Dans un circuit aéraulique, la chaîne de filtration sera établie en fonction de la classe ISO choisie et de « l'emploi » du filtre. Quand l'efficacité finale nécessaire est fixée, la séquence de filtration doit répondre à deux critères essentiels : la propreté désirée de la salle et le minimum de coût d'exploitation. Les chaînes de filtration, présentées dans le schéma du local air conditionné en bureau, sont données à titre indicatif. Elles peuvent être adaptées en fonction des besoins particuliers d'un procédé ou des lieux : bord de mer, désert, tropiques... Dans une CTA sur l'air neuf, il est généralement admis après un G4 de mettre un filtre à poches de type M6 ou F7. Il doit protéger la batterie et réduire ainsi les fréquences de nettoyage. En sortie, on pourra choisir un F8 ou F9 rigide pour protéger les gaines et le local. Dans tous les cas, au rejet et à la reprise, les filtres sont à adapter au procédé et à la réglementation en vigueur.

 

Salle à écoulement turbulent

Jusqu'à la classe ISO 6 de la norme NF EN 14644, c'est l'écoulement utilisé avec un taux de recyclage qui varie selon le procédé.

Les classes ISO 7 et ISO 8 sont utilisées par exemple dans une cabine de peinture dans l'automobile (ISO 8) avec zéro particule de taille supérieure à 5 µm, un local de stockage (ISO 7-8) ou une pharmacie (ISO 7-8) (figure 2).

 

Salle à écoulement unidirectionnel

À partir de la classe ISO 5, la norme NF EN ISO 14644-1 recommande sans l'imposer d'utiliser ce type d'écoulement. À la différence du flux turbulent, il permet une évacuation « calme » de la contamination. Cette disposition entraîne de lourdes conséquences sur l'installation, la maintenance et les coûts de fonctionnement. En effet, ce type d'installation entraîne 500 à 600 volumes heure de renouvellement dans la salle. Dans la pratique, les vitesses de soufflage varient de 0,3 à 0,5 m/s. Cette opération est assurée par des recycleurs qui doivent brasser l'air dans des conditions de pertes de charges minimum pour éviter toutes vibrations parasites et échauffements.

 

Cas du secteur pharmaceutique et apparenté

Le système de classe « A dans B » permet l'utilisation de toutes sortes de systèmes d'épurations qui vont de la salle complète aux isolateurs, aux hottes ou aux PSM (poste de sécurité microbiologique) (figure 3). Cette disposition est requise pour les remplissages en aseptique. Les préparations de type pesées, mélange, nécessitent une classe C. Les équivalences entre BPF et NF EN ISO 14644 sur le plan particulaire sont les suivantes :

- La classe A correspond à une classe ISO 5 sous flux unidirectionnel au repos et en activité.

- La classe B correspond à une classe ISO 5 au repos et ISO 7 en activité.

- La classe C correspond à une classe ISO 7 au repos et ISO 8 en activité.

- La classe D correspond à une classe ISO 8 au repos.

 

Cas du secteur de la microélectronique

On notera l'utilisation de charbon actif pour excréter dans certaines salles comme la lithophotographie les pointes de contamination moléculaire et sur l'air neuf les contaminants extérieures (figure 4).

 

Cas du secteur hospitalier

Le guide Uniclima « Traitement de l'air en milieu hospitalier » définit quatre zones à risques (figures 5 à 7).

La zone 1 ne nécessite qu'une climatisation de confort.

La zone 2 peut recouvrir de la médecine interne ou spécialisée, hôpitaux de jour à orientation infectieuse.

La zone 3 : réanimation, soins intensifs, chirurgie, chimiothérapie...

La zone 4 : un bloc opératoire aseptique, cancérologie, greffé, ophtalmologie...

 

En conclusion, cette succession de filtre opère une filtration sélective des particules, d'où la nécessité de bien les situer dans la chaîne. Il convient d'augmenter la protection du finisseur à mesure que la classe devient plus contraignante, son remplacement devenant de plus en plus problématique. Par ailleurs, la chaîne de filtration doit être définie en ayant présent à l'esprit que le coût d'un filtre est la somme de plusieurs éléments en plus de son cout d'achat (la main-d'oeuvre, la consommation d'énergie et le traitement du déchet). Le coût total d'un filtre de ventilation doit être amorti par l'économie qu'il peut entraîner sur la maintenance de l'installation, comme par exemple, les fréquences de nettoyage des gaines, batterie... On s'apercevra en faisant les calculs qu'il y a toujours surdimensionnement de la chaîne de filtration par rapport à la classe souhaitée. La propreté de l'air soufflé n'est donc plus un problème, mais ne doit pas cacher les difficultés technologiques pour atteindre cet objectif.

Consulter l'intégralité du dossier " Le traitement de l'air à l'épreuve des économies d'énergie "

Plus de Photos

tableau B : Groupes et classes suivant la NF EN 1822-1

tableau C : Groupes et classes suivant la norme ISO 29463-1 - octobre 2011

tableau D : Tableau d'efficacité particulaire des filtres

tableau E : Activités exercées en production et classes de propreté de l'air

figure 1 : Local air conditionné en bureau ou ERP

figure 2 : Salle à écoulement turbulent

figure 3 : Cas du secteur pharmaceutique et apparenté

figure 4 : Cas du secteur de la microélectronique

figure 5 : Schéma d'une zone 1 en milieu hospitalier

figure 6 : Schéma d'une zone 3 en milieu hospitalier

figure 7 : Schéma d'une zone 4 en milieu hospitalier

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